4 mots vieux comme le monde que tout enfant a prononcé. Et nous, grands enfants, nous sommes toujours à la recherche d’histoires vraies ou imaginées, qui contribuent à agrémenter notre quotidien. John Kerry a perdu la présidence américaine en 2004 car, selon les stratèges du Parti Démocrate, il lui manquait « a Good Story ». Pourtant, les Américains avaient déjà inventé dans les années 80 un concept pour cela : « Le Storytelling », à savoir donner la forme d’un récit aux messages que l’on souhaite faire passer.
Comment se caractérise le récit ? C’est la représentation d’au moins un évènement qui doit être raconté sous la forme de phrases ordonnées dans le temps et se structurer autour d’une quête/d’une intrigue. Souvent il y a un ou plusieurs héros, un ‘’objet’’ désiré, un opposant… Beaucoup disent que ce fut la clef du leadership américain, on transpose finalement les codes du cinéma ou de la littérature romanesque à une réalité, reluisante ou pas. « The American Dream »
Alors effectivement, on comprend ainsi que cela devient un moyen de faire un peu rêver. Peut-être finalement parce que le consensus autour d’un système économique dominant n’apporte plus tellement d’espoir de nouveauté. Quoique… ça change. Qui eut cru, il y a quelques années proches, que le capitalisme dévoilerait cette autre facette, aujourd’hui que l’on appelle économie collaborative. Avec ses atouts : l’innovation partagée, la capacité de fédérer des idées et intelligences de tout bord… et ses défauts : sommes-nous tous experts de tout ?
Serait-ce donc la fin du storytelling ? Non je ne crois pas, il n’y a qu’à voir l’essor des récits de vie, de l’affichage de sa vie privée sur les réseaux sociaux. On y trouve un intérêt. En parallèle, les marques peuvent en avoir besoin : capitaliser sur une belle histoire, vraie ou rêvée, la mettre en avant. N’est-ce pas plus intéressant de mettre en perspective le discours de la marque, de lui donner de la vie ? Quelles sont alors les clefs du récit ? Barack Obama utilise ces techniques dans ses discours - s’adresser directement aux gens en leur parlant de leur propre vie, introduire les codes du héros, ne pas se contenter de ‘’ce qui est’’ (par exemple ‘’Les entreprises qui choisissent de rester aux Etats-Unis sont frappées par les taux d'imposition les plus forts du monde".) mais montrer ‘’ce qui pourrait exister’’ ("Si vous êtes une entreprise de haute technologie, nous devrions doubler votre déduction fiscale pour saluer le fait que vous fabriquiez vos produits ici’’).
Plusieurs dérives sont possibles : d’abord l’anecdote. Ne pas tomber dans la chronique faits divers du journal ou abuser de l’anecdote pour parler de grandes idées…Certains politiques ont abusé de ces méthodes en utilisant à outrance un fait divers, presque mineur, pour l’élever en loi générale. Une autre dérive serait le décalage. Le fait de raconter ne doit en aucun cas se faire au détriment du contenu. Le storytelling reste un moyen de mettre en avant une idée, un message, il contribue à susciter l’intérêt : c’est une forme de discours au service du fond. Alors finalement le storytelling ne serait-il pas un moyen de dépasser la raison pure, de dépasser le simple pouvoir de conviction pour parler aux sentiments, aux émotions du destinataire ?
Car le principal apport du storytelling est bien la puissance émotionnelle véhiculée. Comme le disait Jean-Jacques Rousseau : « C’est peu de posséder l’art de convaincre, il faut posséder l’art de persuader ».